Les signaux de Céline Despretz
« Le créateur est pessimiste, la création ambitieuse, donc optimiste » (René Char*)

Céline Despretz peint avec une sorte d’assurance tranquille.
C’est en tout cas ce que l’on pourrait croire à regarder ses toiles.
Mais il n’est pas certain que des tourments profonds n’agissent pas souterrainement. Il reste que ce n’est pas là, l’affaire du « regardeur ».
La maturation d’une œuvre est affaire intime, séquence secrète dont la chimie échappe forcément à tous et parfois même à l’auteur.
Pourquoi ce préambule alors que l’ordinaire ces préoccupations sont celles des seuls exégètes ?
Parce qu’à l’approche de l’œuvre voulue par Céline on se trouve happé par des signaux qui semblent puisés au plus profond de l’humanité. On observe les lignes tracées sur le support par cette singulière artiste comme j’imagine les premiers explorateurs, découvrant les peintures pariétales, ont admiré les traces bouleversantes des hommes anciens. Un échange soudain s’instaure.
On aimerait en décoder les replis, mais on sait que l’entreprise est, d’emblée, vaine.
Il y a du mystère dans ces formes, on le devine doux, maternel, comme un message laissé là pour apaiser celui qui prend la peine d’aller à leur rencontre. Comme un témoignage tendre.
Céline Despretz use d’une peinture infusée, c’est à dire qu’elle puise ses gris fins, ses bruns bitumineux, ses noirs poudreux, ses ocres fauves dans de savantes décoctions de plantes, que l’on aurait envie de qualifier d’alchimiques si le mot n’était pas si absurdement détourné. Ces sucs composent sa palette. Bien loin des esbroufes tapageuses, des légendes sans morale. Parfois un bleu émouvant installe sa paisible sérénité dans ce camaïeu d’ombres. Il est comme une nappe d’eau fraîche ou les formes sauvages viennent s’abreuver.
Elle dit que ce sont des coquillages marocains réduits en poudre qui offrent cette nuance. Est-ce vrai ou est-ce une manière de poursuivre le sortilège ?
Quoiqu’il en soit il doit être possible de vivre très heureux avec une œuvre de Céline Despretz, heureux en profondeur, au fil d’une jubilation qui s’enracinera d’autant plus dans les âmes qu’elle aura été patiemment mûrie ; comme y parviennent parfois les poèmes de René Char :
« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler
Ne mérite ni égards ni patience » **
Balthazar Forcalquier