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Eglise St Etienne, Beaugency, 2011
Peintures, Dessins et Installations «Nature Morte»

En exposant à Beaugency, lieu de son enfance, il était impossible pour Céline Despretz de ne pas faire un retour en arrière sur ses origines. A fortiori, le lieu de l’exposition, l’ Eglise Saint Etienne, s’est imposé comme une source symbolique et spirituelle qui a nourri sa création. L’apparition de croix en transparence,définissant l’espace de la toile, apporte une dimension mystique à l’œuvre. Il s’agit des traces, en filigrane, d’une éducation judéo-chrétienne, toujours présente, mais recouverte par l’accumulation des expériences vécues par l’artiste depuis: philosophies orientales, shamanisme et animisme se mêlent à une vision à la fois romantique de la nature en tant que refuge contre la mort et primitive de la nature en tant que force totalisante. C’est ainsi que la toile où la croix est la mieux définie a tout naturellement trouvé sa place dans l’abside. Au centre de la croisée du transept, s’érige une Tour de Babel faite de cercles métalliques presque invisibles et agrémentée d’une accumulation d’éléments totémiques, de talismans chéris depuis l’enfance, et de morceaux de nature.

Le cercle est omniprésent, élément définissant de la majorité des toiles exposées, mais sa fonction est différente de celle de la série précédente,exposée à la Maison du Loir-et-Cher (Blois, 2009). Au lieu d’être une enveloppe protectrice, un ventre tendu, au sein duquel l’artiste pouvait s’affirmer, il s’affaisse quelque peu, abattu par le temps qui passe, et l’artiste devient un observateur extérieur: le cercle se fait cloche, dans une volonté d’arrêter le passage du temps, de figer l’instant présent. C’est le regard du naturaliste qui accumule les échantillons pour les fixer sur du vide.

En faisant le lien entre passé, présent et avenir, l’artiste s’est interrogé sur la clepsydre qui se vide et conduit inéluctablement vers la mort. Car le propos de cette nouvelle série d’œuvres est justement d’explorer le passage du temps, qui fripe et qui dégrade, comme la peau qui se ride et se casse au fil des années. Les«jus» employés pour ces huiles sont des potions à base de cendres et de feuilles d’arbres en décomposition, liés ensemble par de la colle de peau – matériaux«morts» auxquels, à travers l’art – alchimie des temps modernes, est insufflé la vie. De la même manière, les installations surmontées de céramiques en forme de graines, cocons et chrysalides sont un moyen de modeler la vie à partir de l’argile, l’élan de création artistique mimant la création divine.

Dans le geste et la graphie, on retrouve sous d’autres aspects, différents symboles chers à Despretz; notamment, le foyer, qui, inversé, devient calice, et le cœur, qui irrigue le corps et apporte la vie. A contrario, le «pot» contenant de graines, de nourriture et de vie se lit ici comme une urne réceptacle des dépouilles terrestres. Certaines toiles se permettent de raconter des histoires au travers de graffitis modernes tandis que d’autres rappellent l’art pariétal et les graffitis des temps immémoriaux.

Ainsi, elle fait le lien entre racines et floraisons, puis dégradation et disparition,dans un cycle de vie perpétuel – qui conduit ensuite à une renaissance et engendre une vie nouvelle. Le cercle affaissé devient ouroboros, symbole du cycle éternel de la nature, ou rien ne se perd, tout est recyclé.

Tamsin Briggs – Beaugency, mai 2011



Maison du département, Blois, 2009
Réconcilier le cercle avec sa quadrature

«Pas avant de s’être perdus... pas avant d’avoir perdu le monde,
commençons-nous à nous trouver et à nous rendre compte de là où nous sommes et de l’étendu infini de nos relations».
Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, 1854.


Les toiles récentes de Céline Despretz marquent une nouvelle orientation artistique, une rupture dans la continuité de son œuvre.
Continuité, car il y a un lien graphique clair, même si les formes explorées s’éloignent de celles exploitées dans la série «peaux cassées»; rupture car Despretz change de format, de support et de médium, l’huile prenant le pas sur le dessin, la toile sur le filtre.

Le travail intellectuel sous-jacent prolonge ses explorations psychiques précédentes, révélant d’autres pans de la psyché de l’artiste: le travail sur le cercle et la circularité sont d’autres moyens de poser et de repousser des frontières, d’explorer la limite entre le dedans et le dehors, l’intérieur et l’extérieur, sur des plans plastiques et émotionnels.

En partant des formes explorées dans les séries précédentes symbolisant le corps, le foyer, et qui mettaient en exergue les fractures et fêlures de l’âme et de l’âtre, le trajet vers le cercle reflète une approche différente du rapport de l’artiste à l’autre et au monde: le ventre symbolisé par ce cercle qui cherche à crever les limites du cadre normatif est à la fois unité et univers, origine et fécondité, repli sur soi et élan vers l’autre. Le cercle n’a ni début, ni fin, il englobe autant qu’il exclut.

Le trait de l’artiste demeure lisible et visible: graphique et dessiné, inspiré par les arts premiers et l’art traditionnel africain, il souligne les tensions internes et externes, creuse des fractures sinon invisibles.

Le filtre (support de choix de l’artiste pendant plusieurs années) était un moyen de tamiser et de trier les émotions. Par sa matière même il absorbait et atténuait pigments et jus, tout ce qui était projeté sur lui: ce qui n’était plus visible était intériorisé par le support, présent par l’absence. Avec la toile et la peinture à l’huile, Despretz affirme plus fortement le moi, révélant une force viscérale et originelle. Certes, les fractures subsistent et des formes chrysalidales demeurent suspendues à un fil ténu, mais ne sont-elles pas,tout comme les lavis successifs appliqués sur la toile, des enveloppes de protection permettant à la graine de germer, à la larve de devenir insecte? Des formes et des tons rouge-rosés rappelant un cœur simultanément organique, plastique et vecteur d’émotions viennent confirmer la dichotomie radicale explorée dans la série: ouverture et fermeture, inclusion et exclusion, élan et repli, fragilité et force, création d’une tension entre des extrêmes qui permet d’aboutir à une forme d’équilibre.

La frontière plus ou moins lisible du cercle marque donc à la fois une barrière de protection contre un extérieur trop envahissant et une affirmation du moi, de l’ego propre de l’artiste. Mais comment ne pas voir dans le cercle sa contrepartie tridimensionnelle, la sphère, et par-delà même une représentation du monde?Ainsi, une frontière, affaiblie, moins tranchée permet-elle à l’artiste de passer de la sphère du soi à la sphère totalisante de la nature.

Que dire du regard porté par la spectatrice? En observant le travail de Céline Despretz, elle s’attachera aux formes embryonnaires entraperçues sur la toile qui la renverront à travers son propre organe visuel et par analogie, à son propre ventre, créant une nouvelle circularité inclusive entre l’artiste et son public.

Tamsin BRIGGS, février 2009
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